La quête de sens, nouvelle venue sur le marché de l’emploi, fait des émules. A l’heure où nous devenons de plus en plus conscients de l’impact environnemental de nos activités, et où les objectifs tendent vers le flou, difficile de trouver un sens à son emploi. Il faut dire que notre rapport au travail a changé, largement en raison de cette quête de sens, désormais indispensable pour que les salariés ne décrochent pas. Mais au fait, pourquoi travaille-t-on ? Eléments de réponse.
« La grande démission »
Outre-Atlantique, on parle de Big Quit, ou « grande démission », en référence aux 48 millions d’Américains qui ont claqué la porte de leurs entreprises en 2021. Conséquence directe : on manque cruellement de main-d’œuvre, que ce soit dans les écoles, les hôpitaux ou encore les restaurants. Sans surprise, les politiques ont sauté sur l’occasion. Si, à droite, on croit fermement que le mouvement n’a d’autre explication que le manque d’entrain et la perte d’envie de travailler des nouvelles générations, le constat est tout autre à gauche, où le faible niveau de rémunération est pointé du doigt.
Il y aurait toutefois une troisième explication, du coup beaucoup plus plausible : la perte de sens au travail. Le sujet est sur toutes les lèvres. D’ailleurs, un très bon article est paru sur le sujet dans la revue Des Deux Mondes, détenue par monsieur Ladreit de Lacharrière. C’est aussi le constat partagé par les économistes Thomas Coutrot et Coralie Perez, dans leur ouvrage commun intitulé Redonner du sens au travail : une aspiration révolutionnaire. Dans ce livre, écrit au bout de nombreuses enquêtes sur le marché du travail, les auteurs montrent que les travailleurs sont de plus en plus sensibles à la quête de sens au travail. La crise sanitaire et environnementale ne fera qu’accentuer cette recherche.
Le travail libère… pour peu qu’il ait du sens
L’analyse, fine, réalisée par les deux économistes, pointent vers un constat qu’il serait difficile de contester : le travail est un vecteur de liberté… mais pour cela, il faut impérativement qu’il soit porteur de sens. L’affirmation des auteurs vient contredire une dichotomie longtemps admise, opposant le point de vue des sociologues à celui des économistes. Pour les premiers, le travail a tendance à être perçu comme une aliénation dont il faudrait se libérer. De l’autre côté, l’économie le conçoit comme un effort nécessaire, moyennant salaire. Dans l’un ou l’autre cas, on consent que le travail ne peut être synonyme de liberté. Les auteurs du livre s’y opposent…
Revenons à la question qui nous intéresse : pourquoi travaille-t-on ? La réponse classique consiste à dire que nous travaillons pour la rémunération, pour subvenir à ses besoins, pour la progression sociale… Or, les auteurs rappellent que ces aspects, bien qu’importants, ne concernent pas le travail en lui-même, mais plutôt sa forme institutionnelle.
Sens au travail, la quête impossible ?
Dès lors qu’on aura consenti que la quête de sens au travail est un élément clé dans la hiérarchie des raisons qui nous amènent à travailler, la question qui se pose est celle-ci : où trouver du sens dans son travail ? En réponse à cette question, les auteurs avancent une triple dimension, à savoir le sentiment d’utilité en travaillant, la cohérence avec les valeurs professionnelles et morales du salarié, et la capacité transformatrice du travail pour l’individu.