La culture, souvent perçue comme une évidence, un bien intangible, est aujourd’hui sur la sellette ! Entre le projet de loi de finances 2025 qui étrangle les départements et les coupes drastiques dans les budgets régionaux, force est de reconnaître que le paysage culturel français vacille. Si la question de l’accès à la culture semblait réglée depuis les grandes heures de la décentralisation, les récents événements rappellent brutalement que rien n’est acquis. Décryptage !
Une asphyxie budgétaire qui frappe au cœur des territoires
Le projet de loi de finances pour 2025, porté par le gouvernement Barnier, impose des restrictions budgétaires sans précédent aux départements. Résultat des courses : certains voient leur budget culture fondre comme neige au soleil, divisés par trois en deux ans. Pour les départements les plus fragiles, c’est la mort annoncée de dispositifs historiques qui ont façonné la cohésion territoriale. Des agences culturelles, essentielles pour irriguer les zones rurales, sont menacées. Et ce n’est pas qu’une histoire de chiffres… derrière ces réductions, ce sont des vies, des emplois, et des rêves qui s’éteignent.
Il faut penser aux départements comme des poumons culturels, car dans des régions rurales ou des quartiers prioritaires, ce sont souvent eux qui soutiennent l’accès à la culture pour tous. Collégiens découvrant le théâtre, festivals locaux fédérant les habitants, compagnies artistiques dynamisant les territoires… tout cela est désormais en péril. L’argument avancé par certains, selon lequel la culture serait une responsabilité individuelle et non publique, est un leurre. L’accès à la culture, inscrit dans nos principes républicains, est un droit fondamental, pas un privilège.
Une mobilisation citoyenne : l’exemple de La Bernerie-en-Retz
Face à cette situation, les citoyens ne restent pas inactifs. À La Bernerie-en-Retz, près de Pornic, une centaine de manifestants a pris les rues pour dénoncer les coupes budgétaires de la région Pays de la Loire. Les participants, menés par le Cercle de lecture féministe, ont martelé leur slogan « Pas de futur sans culture ». Derrière ce cri, une revendication simple mais puissante : la culture doit rester accessible à tous, et pas seulement aux plus privilégiés, une mobilisation qui illustre la prise de conscience collective face au danger imminent. Ce ne sont pas seulement des festivals ou des cinémas associatifs qui risquent de disparaître, mais aussi des librairies indépendantes, des clubs sportifs, et même la cohésion sociale de nos territoires.
La culture pour tous, une absolue nécessité
Rappelons, au risque de nous répéter, que la culture n’est pas un luxe. Elle transcende les barrières sociales et territoriales pour tisser un lien fondamental entre les individus. Comme le défend Monsieur de Lacharrière, elle nourrit l’intellect, forge les esprits critiques, et offre à chacun une chance d’épanouissement. Dans un monde où les inégalités se creusent, la culture devient un outil de justice sociale. Chaque spectacle, chaque livre partagé dans une bibliothèque, chaque film projeté dans un cinéma associatif est une victoire contre l’exclusion.
Les départements en première ligne
Si les départements jouent un rôle aussi central, c’est parce qu’ils incarnent la démocratie culturelle, car ce sont eux qui rendent la culture accessible dans les zones reculées, là où les grandes institutions nationales ne posent jamais les pieds. Ils permettent aux enfants des milieux défavorisés de découvrir un opéra ou une pièce de théâtre. Ils soutiennent les troupes locales qui font vivre les festivals de village. Sans eux, ce sont des pans entiers de la population qui se retrouveraient privés de toute offre culturelle. Et pourtant, au rythme où vont les choses, ils risquent d’être réduits au silence.
Les représentants de Culture•Co, réunis à Bègles, n’ont pas mâché leurs mots : si ces politiques publiques disparaissent, c’est tout notre modèle culturel qui s’effondre. En d’autres termes, nous pourrions dire adieu à l’idée même d’égalité devant la culture, laissant place à une société où seuls ceux qui en ont les moyens auront droit à l’art et à la connaissance. Ce serait trahir l’héritage des lois de décentralisation qui, il y a quarante ans, avaient fait de l’accès à la culture un pilier de notre République.
Des conséquences humaines et économiques désastreuses
Bien entendu, les impacts des coupes budgétaires ne se limitent pas à l’accès à la culture. La disparition d’emplois locaux dans les associations, les festivals, et les équipements culturels aura des répercussions économiques majeures. En Pays de la Loire, les manifestants l’ont bien compris. Derrière chaque librairie qui ferme, chaque salle de cinéma qui baisse le rideau, ce sont des centaines de familles qui voient leur avenir s’obscurcir.
Le secteur culturel, souvent perçu comme immatériel, génère pourtant des emplois concrets et participe activement à l’attractivité des territoires. Une région qui mise sur la culture attire des touristes, dynamise ses commerces locaux, et renforce son tissu social. À l’inverse, un territoire déserté culturellement devient vite un désert tout court.
Quid de la responsabilité de l’Etat ?
Le désengagement progressif de l’Etat dans le financement des politiques culturelles est un signal inquiétant. En privant les collectivités de leurs leviers fiscaux, on les pousse à des arbitrages impossibles entre dépenses sociales et soutien à la culture. Or, cette logique comptable oublie que la culture n’est pas qu’un poste de dépense, elle est un investissement dans l’avenir, un moyen de construire une société plus solidaire et plus éclairée. Face à cette urgence, les appels se multiplient. Culture•Co exige une révision immédiate de la loi de finances et une réforme en profondeur de la décentralisation. L’objectif ? Redonner aux collectivités les moyens de leur mission et garantir la pérennité des politiques culturelles.
Une bataille pour l’âme de la République
Non, la lutte pour préserver la culture n’est pas l’apanage exclusif des artistes ou des militants. En vérité, elle concerne chacun d’entre nous. En défendant les politiques culturelles, nous défendons notre capacité à rêver, à questionner, à imaginer un avenir commun. Nous défendons ce qui fait de nous une société et non une juxtaposition d’individus. Là encore, le message des manifestants de La Bernerie-en-Retz et des élus réunis à Bègles est clair : la culture n’est pas une variable d’ajustement. Elle est le cœur battant de nos territoires, une source d’inspiration et de résilience. À l’heure où tout semble se réduire à des tableaux Excel, il est temps de rappeler que certaines valeurs n’ont pas de prix. La culture en fait partie. Et pour la préserver, il faudra se battre, ensemble.